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1 mars 2009 7 01 /03 /mars /2009 17:42

J’étais paralysé par l’horreur...
L’horreur n’est qu’un mot. Facile à écrire. Facile ? Il me bloque, il m’empêche de respirer. Pour écrire, il faut attraper le sens, ajuster son souffle. Le mot me gêne. Pourtant c’est le mot. Le pire.
Il faut que je fasse un détour.
Je n’y arriverai pas de front.
Je me souviens d’un film dans lequel le héros était un petit garçon.
Dans une scène en particulier, une scène du début du film, on le voit immobile, cheveux noirs, yeux noirs, solitaire, taciturne, le front écrasé sur une vitre, les yeux brillants, dilatés, arrêtés. Il est fasciné, et on est fasciné avec lui, par le trajet d’un filet d’eau que le hasard de la pluie dessine sur le rebord de la fenêtre.
L’immobilité absolue du garçon, la musique lente et pesante, une caricature de musique, la pénombre marquée, une caricature de pénombre, donnent à la scène une atmosphère pesante: l’eau vive et luisante semblent s’organiser comme s’il s’y développait une intelligence secrète…
On pouvait imaginer n’importe quoi et, pourquoi pas, que le jeune homme, par la seule force de son regard et de sa pensée, était à l’origine d’une naissance monstrueuse et faisait sortir de l’eau un animal caché. On pouvait aussi ne voir dans ces images que la beauté d’un regard, la beauté de la pluie, la beauté de la nature dans le plus simple de ses mouvements. On pouvait aussi en rire, mais, qu’on le voulut ou non, on finissait par se laissait piéger tant l’habileté de la prise de vue rendait le phénomène ambigu, beau et angoissant.
Beau et angoissant, c’est probablement la même chose.
D’ailleurs, avec le recul du temps, je ne suis pas sûr que seul le ruissellement de l’eau de pluie tétanisait le héros et captivait les spectateurs. Je me demande s’il n’y avait pas quelque part dans l’image un cadavre d’insecte que l’eau n’arrivait pas à emporter.
La mort ajoute toujours du mystère à la réalité.
Mais, ça ne change rien à l’essentiel.
Ce qui compte c’est ce que je veux dire avec cette histoire de petit garçon qui regardait l’eau couler.
A cet instant, c’est à dire l’instant par lequel j’ai commencé ce paragraphe, l’instant dans lequel j’étais paralysé par l’horreur, l’instant que j’ai interrompu ou prolongé par des points de suspension, pour prendre ma respiration, pour me donner du courage, pour avaler ma salive, à cet instant… paralysé par l’horreur, j’étais comme ce petit garçon-là.
A ceci près que dans mon histoire à moi, il ne pleuvait pas, le petit garçon avait cinquante ans passés et il n’y avait autour de lui ni pénombre ni musique, à moins d’appeler pénombre le contraste aveuglant de lumière et d’obscurité que fait l’horreur en entrant dans les yeux et d’appeler musique le sifflement interminable qui reste dans les oreilles après que se soit tu un terrible hurlement métallique.
Mais il y avait au moins un point commun : nos regards, au petit garçon et à moi, étaient les mêmes, ils suivaient l’un comme l’autre le trajet d’un petit ruisseau.
Sauf que mon petit ruisseau à moi était fait du sang qui sortait en bouillonnant du cou d’un homme et que cet homme, c’était moi.


© M.DALMAZZO

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commentaires

E
<br /> l'ombre mi-close qui perlait aux vantaux disjoints de la fenêtre ne pouvait dissimuler la peinture écaillée de la pièce...Taudis au fond d'une impasse aux relents inavouables..<br /> Face au lit un miroir ,eaux dormantes figées entre deux rives d'un monde ailleurs...<br /> Qu'y faisait donc Michel ?<br /> Presque éthérée,silhouette noire dans la rue déserte , de son ciré émergeait un visage dont seuls deux yeux de braise faisaient mentir la blancheur..Beauté?Oh, non !Pire mais encore plus, étrange,<br /> dérangeante,inoubliable en un mot..Ce mot seul sur ses lêvres trop fardées :"Viens".Sans appel, sec!!Il l'a suivie....<br /> Draps grisâtres comme un suaire sur le corps triste ,aux os saillants,morbidité enivrante dont il s'enivra..Il but le maléfice à la coupe des lèvres à peine entrouvertes..<br /> Quand à leur tour, elles se posèrent sur lui,mourant d'attendre leur effleurement là dans son cou,juste où il aime, là une veine trahit les vibrations de son coeur...Extase,Belle et angoissante<br /> extase,jouir et jouir encore..<br /> Soudain,dansle miroir,sur les rives d'ailleurs l'eau cessa de dormir.Un torrent de lave rouge jaillissait du cratère laissé par le baiser de feu ...<br /> <br /> <br />
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